
Les institutions financières accordent généralement plus facilement des prêts pour la reprise que pour la création d’une entreprise, mais rarement pour la totalité du montant d’achat. Par conséquent, la majorité des transactions impliquent d’autres sources de financement, dont un financement partiel ou total par le vendeur, communément appelé « balance de prix de vente », laquelle est habituellement assortie d’intérêts.
Structure d’acquisition : l’utilisation d’une société de gestion
Acquérir une entreprise à titre personnel entraîne une imposition élevée sur les fonds extraits de la société acquise pour rembourser le financement. En revanche, les dividendes versés entre sociétés sont déductibles d’impôt. Une société de gestion permet donc de transférer les dividendes de la société acquise à la société acquéreuse sans impact fiscal, accélérant ainsi le remboursement de la dette.
Cependant, cette structure comporte une limite : n’ayant pas d’activités commerciales, la société de gestion ne génère pas de revenus et ne peut donc pas pleinement profiter de la déductibilité des intérêts sur l’emprunt. Une solution fréquemment adoptée consiste à fusionner la société de gestion avec la société exploitante après l’acquisition.
Fusion post-acquisition
Une fois l’achat effectué par la société de gestion, il est possible de procéder à une fusion avec la société exploitante. Cette fusion permet de simplifier la structure organisationnelle et de faciliter le remboursement de la dette à même les revenus de l’entreprise acquise.
L’un des principaux avantages de cette stratégie est la possibilité de déduire intégralement les intérêts payés sur le financement utilisé pour l’acquisition à même les revenus de la société acquise.
Limite : la déduction pour gain en capital
Un inconvénient notable de cette structure post-acquisition réside dans son impact sur l’accès à la déduction pour gain en capital (DGC). Cette exonération, qui peut atteindre 1,25 million $, est réservée aux personnes physiques. Une entreprise détenue uniquement par une société n’est donc pas admissible.
Une planification préalable de la structure ou parfois une réorganisation post-acquisition peut donc être nécessaire afin de rendre les actions admissibles à la déduction au moment d’une revente future.
Mise en situation : acquisition d’une entreprise de services professionnels
Supposons qu’un professionnel souhaite acquérir une entreprise de services comptables bien établie, évaluée à 500 000 $. Le vendeur accepte de financer 60 % du prix (soit 300 000 $) remboursable sur 8 ans à un taux d’intérêt de 6 %. L’acheteur investit une mise de fonds personnelle de 200 000 $ par l’entremise d’une société de gestion qu’il constitue à cette fin.
Étapes de la transaction
- Création de la société de gestion
L’acheteur incorpore une société de gestion au Québec. Cette société devient l’entité juridique qui réalisera l’achat des actions. - Acquisition des actions
La société de gestion acquiert 100 % des actions de la société exploitante (l’entreprise de services comptables). La balance du prix de vente est formalisée à même la convention d’achat d’actions. - Fusion des entités
Après la transaction, la société de gestion est fusionnée avec la société exploitante. À la suite de cette fusion, la balance du prix de vente est due par la société résultant de la fusion. Cela permet à l’entité fusionnée de profiter directement des revenus d’exploitation pour rembourser le prêt.
Avantages de cette structure
- Déductibilité des intérêts
Les intérêts de 6 % sur le financement vendeur de 300 000 $ sont entièrement déductibles par la société résultant de la fusion. Cela réduit les impôts payables par la société opérante. - Remboursement de la balance du prix de vente
La société opérante étant, à la suite de la fusion, débitrice de la balance du prix de vente, il sera possible de la rembourser avec des revenus imposés au taux corporatif. - Déduction pour gain en capital (DGC)
Au moment de la revente future de l’entreprise, un enjeu important concerne l’accès à la déduction pour gain en capital. Si l’entreprise est détenue à 100 % par une société (et non directement par une personne physique), cette dernière ne peut pas bénéficier de la déduction normalement disponible pour les actions admissibles de petites entreprises.
Afin de protéger cet avantage fiscal en vue d’une revente éventuelle, une réorganisation post-acquisition peut être envisagée. Par exemple, l’actionnariat de la société pourrait être restructuré pour inclure une participation directe de personnes physiques, rendant les actions à nouveau admissibles à la DGC. Cette démarche doit être planifiée en amont avec un fiscaliste.
Inconvénient de cette structure
Après la fusion, l’absence de société de gestion peut limiter les options pour extraire les liquidités excédentaires de la société opérante, une fois la balance du prix de vente remboursée. Selon les conditions de paiement établies, la mise en place d’une société de gestion dès l’acquisition, ou une réorganisation ultérieure, pourrait s’avérer souhaitable pour optimiser la circulation des liquidités excédentaires.
Préparer aujourd’hui la rentabilité de demain
La planification du financement d’une acquisition est une étape stratégique pour assurer le succès de la transaction et la rentabilité future de l’entreprise.
En ayant recours à une société de gestion et en procédant à une fusion post-acquisition, il est possible de maximiser la déduction des intérêts, d’éviter la double imposition sur les dividendes et de simplifier la structure juridique. Cependant, il est important de ne pas négliger l’impact de cette structure sur l’accès à la déduction pour gain en capital.
Ainsi, une planification bien structurée permet non seulement d’optimiser l’achat d’une entreprise, mais aussi d’en maximiser la valeur à long terme. Pour toute démarche de structuration ou d’optimisation fiscale, il est fortement recommandé de consulter un professionnel spécialisé en fiscalité transactionnelle.