Jour : 23 octobre 2024

Article provenant de Dunton Rainville. 

Négocier le transfert d’une PME : conseils pour acheteurs et vendeurs

Pour acheteurs et vendeurs, l’objectif est de conclure un accord qui répond à leurs attentes respectives. Réussir cette étape demande une préparation rigoureuse, une vision claire et une maîtrise des enjeux critiques. Voici trois éléments clés qui façonnent le processus de négociation dans le cadre d’un transfert d’entreprise.

Éléments intrinsèques de la transaction

La base de toute négociation commerciale commence par une auto-évaluation approfondie par l’acheteur et le vendeur. Cette réflexion permet à chaque partie d’évaluer ses motivations intrinsèques, de déterminer le moment idéal pour la vente, d’évaluer sa tolérance au risque et de comprendre l’environnement économique général susceptible d’influer sur la transaction. Ces éléments sont essentiels pour établir une position de négociation forte et pour naviguer efficacement dans le processus de négociation.

Déterminer le moment idéal

Le choix du moment peut avoir une incidence considérable sur l’issue d’une transaction. Les vendeurs doivent évaluer la santé financière de leur entreprise, son potentiel de croissance et les conditions du marché pour choisir le meilleur moment pour vendre. Une vente en période de ralentissement peut conduire à un prix inférieur, tandis que de bonnes performances et des marchés favorables peuvent favoriser une meilleure transaction.

Les acheteurs doivent également s’assurer que le moment choisi correspond à leurs objectifs stratégiques, tels que la pénétration d’un nouveau marché ou l’acquisition de nouvelles capacités qui soutiendront sa croissance future.

Évaluer sa tolérance au risque

Les vendeurs ayant une plus grande tolérance au risque peuvent attendre de meilleures offres, même si cela signifie des négociations plus longues ou le risque de perdre un acheteur. Ceux dont la tolérance au risque est plus faible peuvent opter pour une vente plus rapide plutôt que pour un prix plus élevé.

Les acheteurs doivent également évaluer leur tolérance au risque, notamment en ce qui concerne la santé financière de l’entreprise cible ou la volatilité du marché. Les acheteurs tolérants au risque peuvent payer plus cher pour des entreprises à fort potentiel et incertaines, tandis que les acheteurs averses au risque préfèrent des transactions plus sûres et moins risquées.

Clarifier ses objectifs

Les vendeurs doivent identifier leurs raisons de vendre (retraite, diversification, pressions financières) afin de prioriser leurs objectifs, comme maximiser le prix, assurer une transition en douceur ou préserver l’héritage de l’entreprise.

Les acheteurs, quant à eux, doivent clarifier leurs motivations, qu’il s’agisse de gagner des parts de marché, de pénétrer un nouveau secteur ou d’acquérir des talents et des technologies, pour rester concentrés sur leurs objectifs stratégiques pendant les négociations. Cette évaluation interne permet à chaque partie d’aborder la négociation avec une stratégie bien définie. En comprenant sa propre position, elle peut mieux anticiper les besoins de l’autre partie et prendre des décisions éclairées tout au long du processus.

Cadre juridique et vérification diligente

Si les motivations, le moment et la stratégie sont des facteurs subjectifs essentiels, la vérification diligente et la conformité juridique constituent une base concrète et factuelle sur laquelle repose la négociation. L’acheteur et le vendeur doivent s’appuyer sur ces méthodes objectives pour s’assurer que la transaction est équitable, transparente et juridiquement solide.

Analyser la santé financière de l’entreprise

La vérification diligente est un processus complet qui permet d’évaluer la situation financière, juridique et opérationnelle de l’entreprise cible et sert de base à la rédaction de documents cruciaux tels que la lettre d’intention et le contrat d’achat.

Pour les acheteurs, cette vérification consiste à identifier la santé financière de l’entreprise en analysant des indicateurs clés tels que le BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements), le ratio d’endettement et le fonds de roulement. Ces indicateurs financiers donnent une idée de la rentabilité, de la liquidité et de la structure du capital de l’entreprise et permettent de déterminer si le prix demandé est justifié.

Le cadre juridique

Le cadre juridique joue un rôle crucial dans le processus de négociation, en fournissant une structure et en fixant des limites pour les deux parties. Au début du processus, une lettre d’intention est généralement échangée, décrivant les principaux termes tels que le prix, la structure de la transaction et les conditions éventuelles.

Bien que non contraignante dans la plupart des cas, la lettre d’intention ouvre la voie à des négociations plus détaillées, offrant une feuille de route pour les éléments juridiques qui suivront. Elle permet aux deux parties de se mettre d’accord sur les paramètres de base avant d’entamer les vérifications préalables formelles et la rédaction de contrats contraignants.

Au fur et à mesure que les négociations progressent vers l’offre finale, les considérations juridiques relatives aux lois sur la concurrence, aux droits de propriété intellectuelle et aux réglementations en matière d’emploi prennent de l’importance. En fonction de la juridiction et du secteur, des cadres réglementaires spécifiques — tels que les lois sur la concurrence, les réglementations sur les valeurs mobilières ou les restrictions sur les investissements étrangers — peuvent nécessiter des examens de conformité détaillés et imposer des conditions à l’opération.

Cela a souvent une incidence sur le calendrier et les conditions finales, car les parties doivent ajuster leurs accords pour s’assurer qu’ils respectent les normes juridiques. Les processus d’approbation réglementaire peuvent également devenir un facteur clé pour déterminer si l’opération se déroule sans problème ou si elle subit des retards.

Divulgation des informations

Enfin, les vendeurs doivent divulguer toutes les informations pertinentes, y compris les litiges en cours, les obligations fiscales, la propriété intellectuelle et les problèmes réglementaires potentiels. La transparence est essentielle pour garantir le bon déroulement de la transaction et pour que l’acheteur soit pleinement informé des risques encourus.

Les éléments objectifs et factuels qui structurent le processus de négociation commerciale sont la connaissance du cadre juridique et la mise en œuvre de la vérification diligente. Grâce à une analyse financière approfondie, l’acheteur et le vendeur peuvent s’assurer que la transaction est fondée sur la réalité et qu’elle est protégée contre les risques. Cette évaluation méticuleuse constitue le fil conducteur du processus de négociation, garantissant que les deux parties sont bien informées et protégées au moment où elles s’apprêtent à rédiger le contrat d’achat final.

Assurer la pérennité et l’intégration après l’acquisition

La viabilité à long terme de l’entreprise est un autre élément essentiel qui doit être abordé lors de la négociation. L’acheteur et le vendeur ont tous deux intérêt à ce que l’entreprise reste prospère après la vente, car cela peut avoir une incidence sur les conditions de l’accord, en particulier dans les cas où le vendeur conserve un certain degré d’implication ou d’intérêt financier dans les performances futures de l’entreprise.

Pour une transition en douceur

Pour l’acheteur, assurer la longévité de l’entreprise implique souvent de veiller à ce que la transition de propriété se fasse en douceur. Il s’agit notamment de conserver le personnel clé, de préserver les relations avec les clients et de maintenir la culture et la réputation de l’entreprise.

L’acheteur peut négocier des conditions qui permettent au vendeur de rester impliqué dans l’entreprise en tant que conseiller ou partie prenante minoritaire. En outre, il voudra s’assurer que l’entreprise a mis en place une stratégie de croissance claire, comprenant des plans d’expansion du marché, des mises à jour technologiques et des améliorations opérationnelles.

Du point de vue du vendeur, assurer la pérennité de l’entreprise peut également revêtir une importance personnelle et financière, en particulier si une partie du prix de vente dépend des performances futures de l’entreprise. Les vendeurs qui ont construit une entreprise pendant de nombreuses années peuvent souhaiter que leur héritage soit préservé, et peuvent donc être sélectifs dans le choix d’un acheteur qui s’aligne sur leur vision de l’avenir de l’entreprise. En outre, les vendeurs peuvent négocier des clauses d’indexation sur les bénéfices futurs, qui lient une partie du prix de vente aux bénéfices futurs de l’entreprise, incitant ainsi les deux parties à assurer son succès à long terme.

En conclusion, la négociation d’un transfert d’entreprise implique un équilibre minutieux entre les motivations, les considérations juridiques et la planification à long terme. Les acheteurs comme les vendeurs doivent aborder la négociation avec une compréhension claire de leurs objectifs et de leurs priorités, en s’appuyant sur une diligence raisonnable et un cadre juridique solide. Garantir le succès futur de l’entreprise n’est pas seulement profitable pour les deux parties, mais contribue également à la santé et à la durabilité de l’économie dans son ensemble.

Article rédigé par 

Me Jonathan Kwok
Avocat
Dunton Rainville

Le 3 octobre dernier, le CTEQ, en partenariat avec Ekitas, a tenu un webinaire sous le thème « Transfert d’entreprise : vente d’actifs vs vente d’actions ».

En raison de l’engouement pour ce webinaire, nos experts n’ont pas pu répondre à toutes les questions en direct. Voici donc les réponses d’Ekitas aux questions restées en suspens.

Dans le cas d’une vente partielle d’actions, est-ce qu’une compagnie de gestion qui possède les actions d’une entreprise a accès à l’exonération sur le gain en capital ?

Il est possible d’avoir droit à l’exonération sur le gain en capital (EGC) sur la vente d’actions d’une société de gestion lorsque celle-ci détient les actions d’une société opérante (détention indirecte), mais seulement si les critères suivants sont remplis : 

  • La société de gestion détient les actions de la société opérante depuis au moins les 24 mois précédant la vente.
  • La société opérante est rattachée à la société de gestion.
  • Pendant les 24 mois précédant la vente, plus de 50 % des actifs de la société opérante sont utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada et la société opérante est une société privée sous contrôle canadien.
  • Au moment de la vente, 90 % des actifs de la société de gestion et 90 % de la société opérante doivent être des actifs qui sont utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada. 

En résumé, si vous répondez à ces critères, vous pourriez vendre les actions de votre société de gestion tout en continuant de bénéficier de l’EGC. Cependant, il est désormais plus difficile de se qualifier, surtout si votre société de gestion possède d’autres actifs.

Concrètement, pour optimiser les retraits de liquidités sans impôts, il est possible de créer une société de gestion qui détiendra une participation minoritaire dans l’actionnariat, tandis que le reste des actions seront détenues au nom personnel du propriétaire. Cela lui permettra de bénéficier des dividendes intercorporatifs (non imposables) ainsi que de l’exonération sur la valeur accumulée personnellement, sous réserve des risques associés au paragraphe 55(2) LIR. 

De plus, la mise en place d’une fiducie pourrait être la solution la plus avantageuse, car elle permettrait d’accumuler 100 % de la valeur au sein de la fiducie, offrant ainsi l’exonération complète, sans réduction due à la part détenue par la société de gestion.

Dans le cas de vente d’actions, comment les balances de prix de vente et les bonus variables sont traités au niveau fiscal ?

En général, les balances de prix de vente sont considérées comme un gain en capital et sont donc incluses dans le revenu du vendeur au moment de la vente. Toutefois, le vendeur peut bénéficier d’une provision pour gain en capital sur une période maximale de 5 ans après la vente, ce qui lui permet de déduire une partie de la portion impayée du prix de vente incluse dans son revenu pour reporter l’impôt payable dans le temps.

Cependant, si la société doit recevoir des montants variables en fonction de la performance future de l’entreprise, par exemple en fonction du BAIIA (clause de type « Earn-out »), ces montants seront initialement traités par les autorités fiscales comme du revenu d’entreprise, à moins que certaines conditions soient respectées.

Parmi ces conditions, on retrouve l’absence de lien de dépendance entre l’acheteur et le vendeur, le fait que la variation de la valeur soit liée à un désaccord sur la valeur de l’achalandage ainsi que la durée du contrat, qui ne doit pas dépasser 5 ans. Si ces critères sont remplis, les autorités fiscales permettront au vendeur de traiter ces montants comme un gain en capital plutôt que comme un revenu d’entreprise, à condition qu’il s’agisse d’un réel ajustement du prix de vente.

Dans un contexte de transfert d’entreprise familiale, est-ce qu’il y a des enjeux particuliers pouvant limiter l’utilisation de l’exonération sur le gain en capital ? 

Oui. Jusqu’à très récemment, les règles fiscales étaient très strictes, rendant les transferts intergénérationnels presque impossibles pour un parent vendeur souhaitant profiter de l’EGC.

Cependant, depuis 2023, il est désormais possible pour un parent de vendre à son enfant (incluant une définition élargie qui comprend les nièces et neveux), à condition de respecter certains critères. Tout d’abord, la transaction doit se faire à la juste valeur marchande. De plus, certaines modalités doivent être respectées en ce qui concerne le paiement des actions ainsi que le transfert du contrôle et de la gestion de l’entreprise. 

Si ces conditions sont respectées, le parent pourra bénéficier de l’EGC, à condition que les actions vendues soient des actions admissibles de petites entreprises (critères habituels de l’EGC). Les critères à respecter sont relativement complexes, ce qui rend indispensable une planification fiscale appropriée pour ce type de transfert.

Pour une vente d’actions progressive, est-ce que le vendeur pourrait aussi bénéficier de l’exonération sur le gain en capital ?

Un vendeur dont les actions vendues se qualifient à titre d’actions admissibles de petites entreprises (AAPE), à chaque moment où il vend ses actions, pourra bénéficier de son exonération pour gain en capital, sous réserve d’y avoir droit pour un montant maximal de 1 250 000 $ (en 2024 et 2025). Ainsi, pour que les actions vendues soient des AAPE, celles-ci doivent remplir les critères suivants : 

  • Les actions doivent être détenues par un individu ou une fiducie.
  • Le propriétaire doit détenir les actions depuis au moins 24 mois au moment de la vente.
  • Les actions doivent être des actions d’une société privée sous contrôle canadien. 
  • Pendant les 24 mois précédents la vente, 50 % de la juste valeur marchande des actifs de la société doivent être utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada (donc ne pas être des actifs dont la société n’a pas besoin pour opérer ses activités, par exemple des placements boursiers).
  • Au moment de la vente des actions, 90 % de la juste valeur marchande des actifs doivent être des actifs utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada. 

En résumé, bien qu’il soit possible de vendre des actions progressivement, cela peut devenir complexe pour un vendeur qui doit s’assurer de respecter les critères à chaque vente. Toutefois, le seuil de 1 250 000 $ peut être réparti sur plusieurs transactions distinctes, par exemple cinq ventes de 250 000 $. De plus, dès 2026, le vendeur pourrait bénéficier de l’indexation de ce montant dans le futur.

Est-ce plus avantageux pour un cédant de faire une vente partielle d’actions en deux temps ? Par exemple, 50 % la première année et 50 % la troisième. 

Cela varie en fonction des circonstances particulières à la vente. Il faut tenir compte des éléments suivants :

  • L’indexation de l’EGC peut être avantageuse si la deuxième vente se fait plusieurs années plus tard et que les actions demeurent admissibles
  • Les coûts associés à plusieurs transactions peuvent être plus élevés, notamment :
    • Coûts de financement
    • Diligence raisonnable
    • Mise en place d’une convention entre actionnaires
  • Le maintien d’une participation dans l’entreprise peut être un inconvénient pour un vendeur souhaitant se retirer entièrement
  • Évolution (croissance ou décroissance) de l’entreprise
  • Les dynamiques relationnelles liées à la présence de deux dirigeants dans une même entreprise

Par ailleurs, si le vendeur craint devoir payer un impôt important l’année de la vente, il est possible de prévoir une balance de prix de vente échelonnée sur plusieurs années, ce qui permet de bénéficier d’une provision pour gain en capital sur la partie impayée pendant un maximum de 5 ans. Sous réserve d’une croissance anticipée significative et d’un impact positif lié à l’intégration de l’acheteur, lorsque le prix est favorable, il est généralement préférable de finaliser la vente en une seule transaction.

Ekitas

[email protected]
450 973-3883
2990, avenue Pierre-Péladeau, bureau 410,
Laval (Québec) H7T 3B3