Jour : 6 Décembre 2019
Pourquoi faut-il bien communiquer lors d’un processus de transfert d’entreprise ?
Le volet de la communication devrait être au cœur du processus de transmission d’entreprise. Il touche l’ensemble des personnes impliquées. Pour en assurer sa réussite, les deux principaux acteurs, le dirigeant sortant et le repreneur, ont à considérer plusieurs choses :
- Le dirigeant sortant doit clarifier sa position, sa transition et ses perceptions. Il doit apprendre à communiquer son propre plan de transfert.
- Le repreneur, quant à lui, doit communiquer ses attentes et clarifier son plan de relève.
Les parties prenantes doivent, dans un premier temps, clarifier leurs intentions. Quand on parle de relève, c’est une priorité !
Comment le dirigeant sortant et le repreneur peuvent faciliter leur communication ?
Le repreneur doit être amené à ralentir pour reconnaître ce que le cédant a créé et mis de l’avant. Le dirigeant sortant doit lâcher prise pour laisser une place plus décisionnelle et reconnaître les valeurs du repreneur.
Lorsque la relation n’est pas fortifiée entre les deux parties, il est difficile d’annoncer la relève aux employés parce qu’il y aura un manque de crédibilité. Si le dirigeant annonce le repreneur sans se positionner dans le processus, il aura des difficultés à laisser la place au repreneur. Les employés penseront qu’il est toujours le référent principal.
Il faut avancer ensemble !
Ensuite, les employés clés peuvent être avisés. Leur place au sein de l’entreprise étant bénéfique, il est important de les aviser individuellement pour les rassurer et leur expliquer les enjeux de leur position. L’ensemble du personnel pourra, par la suite, être informé de la situation et du processus.
La relève prendra, au fur et à mesure, plus de décisions en impliquant le comité de direction pour intégrer définitivement sa nouvelle fonction et gagner en crédibilité.
Lorsque la relève est vraiment positionnée dans l’entreprise et avec harmonie, l’annonce à l’externe peut se faire. Il ne faut pas précipiter les choses et attendre le bon moment pour éviter les rumeurs.
Le cédant va laisser, au fur et à mesure, sa place et introduire le repreneur.
Quelles sont les stratégies de communication à adopter par le repreneur et le dirigeant sortant ?
Lorsque les intentions sont claires, il faut déterminer les bonnes stratégies de communication :
- Il faut déterminer les informations à donner.
- Il faut rester réceptif pour être toujours à l’écoute.
- Il faut consulter. C’est ce que l’on appelle l’art de poser des questions.
- Il faut entretenir les relations et le processus de communication en place.
- Il faut suivre le plan d’actions établi et s’ajuster selon les préoccupations.
Que doit comporter le plan de communication ?
Dès que les stratégies de communication sont connues des deux parties, le plan de communication peut voir le jour. Il va répondre aux points suivants :
- Qu’est-ce qui doit-être communiqué et quels sont les objectifs ?
- Quel est le contenu à diffuser ?
- À qui s’adresse le message ?
- Quand faut-il communiquer, quel est le meilleur moment ?
- Quel est le lieu ?
- Avec quels moyens (verbal, écrit) ?
Il s’agit d’un véritable ordre du jour. Il est à faire pour toutes les rencontres afin de les structurer et les rendre plus performantes.
Quel est le rôle de la communication lors de changement ?
La communication est importante lors de changement dans l’entreprise. Elle permet de rassurer les employés sur leurs fonctions et la nouvelle gestion. Pour limiter ce climat d’insécurité, la relève devra fixer un objectif à la fois pour ne pas donner trop d’informations. Il faut limiter les réticences liées à l’incompréhension.
Il est à noter que les échanges sont composés de 7% de verbal et de 93% de non-verbal. Le non-verbal regroupe 37% de ce que l’on voit et 55% de la perception du ton du message. L’écoute est donc primordiale pour éviter les mauvaises perceptions.
De plus, il faut prendre du recul pour être efficace et optimale dans sa communication.
Ainsi, le dirigeant sortant, tout comme le repreneur, vont éviter les rumeurs et les fausses perceptions. Ils vont pouvoir expliquer le mode de fonctionnement, les engagements de part et d’autre et les enjeux pour une communication adaptée auprès des différents acteurs.
Josée nous rappelle l’impact des perceptions sur nos communications. Par exemple, elle nous parle d’une entreprise familiale. Le fils du propriétaire-dirigeant pensait que son père n’était pas prêt à céder parce qu’il ne parlait jamais du transfert de son entreprise. De par ce manque de communication, le fils percevait de fausses intentions puisque le père était prêt à céder.
Lire le volet #2 : Les styles de communicateur pour faciliter votre transition
Notre contributrice
Le taux de survie à 5 ans est de 60% pour les reprises d’entreprise contre 50% pour les créations d’entreprise.
Les enjeux d’une reprise sont vitaux à plusieurs titres et notamment en terme d’emplois. Selon une étude récente, la cession des 170 000 TPE et des 15 000 PME soit un total de 185 000 entreprises susceptibles d’être transmises en raison de l’âge avancé de leur dirigeant pourraient contribuer au maintien de 750 000 emplois.
Or, nous surestimons l’impact que les départs en retraite du papy-boom vont avoir sur le marché de la transmission et la reprise d’entreprise. Nous sommes loin de la réalité.
L’observatoire de l’association Cédants et Repreneurs d’Affaires en France estime qu’il y a 186 000 PME avec au moins 5 ans d’existence et un effectif de 1 à 249 employés. Le CRA retient un cycle de cession d’environ 15 ans, ce qui amène un potentiel de cession annuelle de 45 000 entreprises dont :
- 30% sont cédées en interne, la famille ou les employés,
- 25% disparaissent ou ne sont pas visibles sur le marché pour cause de faillite, d’absorption ou de fusion,
- 45% sont cédées à une personne physique externe à la famille ou à l’entreprise.
La réalité du marché de la reprise d’entreprise en France serait donc de l’ordre de 20 000 entreprises dont 7000 cessions externes pour les entreprises ayant entre 5 à 250 salariés. Nous sommes très loin des 60 000 entreprises à reprendre chaque année.
Une complexité : le processus
Il est compliqué de se faire rencontrer un cédant et un repreneur. Le marché de la transmission d’entreprise peut être symbolisé par un iceberg avec une offre visible du grand public, la partie au-dessus de l’eau, largement inférieure à l’offre disponible, la partie immergée. Cette dernière est appelée le marché gris car la majorité des transactions, plus de 70%, provient du marché caché. Il est composé de cédants potentiels, déclarés uniquement auprès d’intermédiaires ou au sein de réseaux qui sont abordés de manière confidentielle.
Dans la dernière partie, la partie invisible, la solution repreneuriale se retrouve dans le cercle restreint, familial ou salarial, soit un cercle très fermé et non-communiqué à l’externe.
Nous pouvons donc remarquer un marché du repreneuriat à 2 vitesses et déséquilibré.
Le marché éprouve une inadéquation de l’offre et de la demande qui varie selon la taille de l’entreprise. Le nombre de cédants excède celui des repreneurs pour les TPE de l’artisanat et du commerce de proximité, il existe au contraire deux fois plus de repreneurs potentiels que d’entreprises à vendre pour les PME. Il est, aussi, à souligner que les repreneurs ont certaines exigences en termes de zone géographique ou de secteur d’activité, le nombre de cibles potentiels continuent de se restreindre considérablement.
Les barrages au bon fonctionnement du marché cédant-repreneur
Il est entravé par des facteurs conjoncturels et structurels en dehors du poids de la fiscalité. Un baromètre de 2013 à 2016 ne constate aucune amélioration de l’appréciation des dirigeants de PME à l’égard de la transmission d’entreprise :
- ils manquent de visibilité sur leur activité compte tenu d’une incertitude du contexte économique,
- ils ont une mauvaise connaissance du processus de cession,
- ils sont mal préparés,
- ils font une surestimation presque systématique de la valeur de leur entreprise.
Le repreneur, quant à lui, rencontre prioritairement et exclusivement des difficultés de financement.
C’est la raison pour laquelle l’accompagnement par des tiers est primordial pour lever les obstacles. D’ailleurs, les intermédiaires dans le conseil se multiplient face à ce constat.
La parole aux dirigeants
Une enquête de 2015 fait savoir que 74% des chefs d’entreprise ont une bonne image des opérations de cession ou de transmission mais 48% se sentent toutefois mal informés.
Quatre dirigeants sur dix envisagent le transfert d’entreprise. 59 ans est l’âge idéal pour préparer le projet de transmission. L’élément déterminant est à 85% l’avenir de l’entreprise et la pérennité de l’activité et à 15% le prix de cession et le gain financier.
Concernant le portrait-robot du repreneur idéal, les dirigeants en ont une image précise :
- 40-49 ans est la tranche d’âge idéal selon 56% des dirigeants,
- 84% n’ont pas d’attachement au sexe mais il n’y a que 7% de femmes repreneures potentielles,
- 47% veulent une expérience professionnelle et une expertise sectorielle du candidat,
- 40% veulent un projet et une vision de l’avenir pour l’entreprise,
- 13% s’intéressent à la situation patrimoniale et les garanties financières.
Perspective d’évolution du marché en France d’ici à 2019
Une étude de 2015 menée par Precepta montre l’évolution du marché à l’horizon 2019. Malgré le potentiel de croissance, le marché en France peine à décoller.
En 2015, les chefs d’entreprise ont reporté leur projet de transmission en raison de l’instabilité du cadre réglementaire et fiscal. De plus, la loi Hamon est venue rompre la confidentialité des opérations de cession et de transmission ce qui risque encore de peser à court terme sur la croissance du marché. La dégradation des bilans des entreprises liée aux difficultés économiques a, également, contraint les dirigeants à attendre des jours meilleurs pour vendre.
Pour finir, l’offre reste encore peu visible dû à la multiplicité des intervenants et des prescripteurs alors qu’émergent de nouveaux modèles d’affaires hors secteurs et financements traditionnels.
Sonia Boussaguet est professeure associée au département stratégie et entrepreneuriat du NEOMA Business School au campus de Reims. Elle est titulaire d’un doctorat en Science de gestion de l’Université de Montpellier 1. Ses recherches s’orientent sur l’échec repreneurial et les risques encourus sur la santé au niveau des dirigeants.